Si quelqu’un dit qu’il est difficile d’atteindre ( à la perfection ), parce que seul entre toutes les créatures le Christ est immuable, mais la nature humaine est mobile et sujette aux changements, et si l’on demande comment il est dès lors possible d’atteindre la fixité dans le bien et l’immuabilité dans notre nature changeante, nous répondrons à pareille question qu’il n’est pas donné d’être couronné sans avoir combattu suivant les règles ( cf. 2 Tim 2, 5 ) ; or il n’y a pas de combat régulier s’il n’y a pas d’adversaire. Si donc il n’y a pas d’adversaire, il n’y a pas de couronne ; car la victoire n’existe pas en elle-même, s’il n’y a pas un vaincu. Par conséquent combattons contre ce que notre nature a de mobile, engageant intérieurement le combat avec elle comme avec un adversaire, afin de triompher non pas en l’abattant, mais en l’empêchant de tomber. Ce n’est pas seulement vers le mal que l’homme est tourné ; car il lui serait impossible de faire le bien s’il ne tenait de la nature que le penchant vers le mal.
Mais maintenant le plus bel effet de cette mobilité est le progrès dans la vertu, lorsque celui qui a déjà subi un premier changement en bien évolue vers ce qui est mieux et se transforme en quelque chose de plus divin. Dès lors ce qui, semblait-il, était à craindre, c’est-à-dire la mobilité de notre nature, nous avons démontré que cela nous donnait en quelque sorte des ailes pour voler vers ce qui est plus haut, alors que c’eût été pour nous un dommage que de ne pas pouvoir nous changer en mieux. En voyant dans notre nature la possibilité de changement, qu’on ne s’en afflige pas, mais que se transformant toujours en mieux et en allant de gloire en gloire, on évolue en changeant jour après jour, en devenant meilleur et se perfectionnant continuellement, sans jamais croire qu’on a atteint la limite de la perfection. C’est que la véritable perfection consiste à ne jamais s’arrêter quand on va vers le mieux et à ne pas circonscrire la perfection en de certaines limites.