Extrait des Lettres

{{S’en remettre à Dieu en tout.}} – Lettre à Georges, préfet d’Afrique.

Rien absolument ne manque à la gloire aux yeux de Dieu et des hommes, du fait de n’avoir pas à commander aux hommes ; mais il y a surcroît de gloire lorsque l’âme se délivre de tout trouble et préoccupation extérieure ; et quiconque considère avec piété ce qui est bien en conviendra, je pense. En effet tout homme vraiment vertueux et aimant Dieu trouve en lui-même tout son bonheur et n’a besoin d’aucune aide extérieure pour se le procurer. Car celui qui a fait siennes, pour y conformer sa vie, les représentations des propriétés divines, celui-là possède l’entière plénitude des biens ; par là se fait l’exacte ressemblance entre les hommes et Dieu, ressemblance telle qu’il soit impossible de mettre en parallèle aucune des choses qui sont au-dessous de Dieu. Pour parler clair, ni la maladie, ni la santé, ni les richesses qui entraînent vers la terre, ni la pénurie des choses qui passent, ni le blâme, ni la louange, ni la mort, ni la vie, ni le présent, ni l’avenir, ni rien de ce qui est ou de ce qui se fait, ne saurait changer cette philosophie qui vous élève et qui vous conduit à une telle gloire devant les hommes. Et comment cela est-il possible? Si nous confions à Dieu tout ce qui nous touche et si nous nous abstenons entièrement de rechercher aucune des choses que Dieu nous a défendu de chercher ; si au contraire nous cherchons avec grand soin tout ce que Dieu nous a ordonné de chercher ; si nous voulons à tout prix certaines choses que Dieu nous a donné le désir et la possibilité d’atteindre, en nous efforçant de nous conformer à ces choses mêmes ; si par tous nos suffrages et sans que notre volonté ait besoin d’intervenir pour que les choses soient ou non, nous laissons Dieu agir comme il le veut et le décide, lui rendant grâce et lui faisant confiance, et n’étant en aucune manière en désaccord avec les raisons de sa providence et son gouvernement ; car toutes choses, d’une manière inconnue, mais avec une ineffable sagesse, sont conduites à leur fin selon la prescience de Dieu, bien que le résultat de ces desseins divins ne soit pas conforme et soit même contraire à ce que nous espérions. Il veille en effet et préside très sagement à tout ce qui nous regarde, lui qui ne possède pas une sagesse reçue par hasard, mais qui est vraiment et essentiellement la sagesse et qui est ainsi appelé. Efforçons-nous sincèrement de veiller à une seule chose, à l’aimer, ainsi qu’il l’a dit, de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces, et le prochain comme nous-mêmes ; recherchons avec soin tous les moyens de réaliser ce divin commandement; accomplissons ce programme divin très complet dans sa brièveté, quel que soit notre dignité, notre rang, ou notre genre de vie, que nous soyons dirigeants ou dirigés, riches ou pauvres, en bonne santé ou malades, ou affectés corporellement de quelque manière ; et pour tout le reste, si nos dispositions d’âme nous empêchent de suivre notre volonté, n’ayons aucune inquiétude.